Ce lundi 5 octobre 2015, deux membres de la direction d’Air France ont été pris à partie par des manifestants : Pierre Plissonnier, directeur d’Air France à Orly et Xavier Broseta, directeur des ressources humaines. Les images des deux hommes escaladant des grilles et voyant leurs chemises se faire arracher par les manifestants ont fait le tour du net, des médias et même du monde.
Immédiatement, c’est la levée de bouclier contre cette « violence ». Toute la belle société économique, politique et médiatique « s’indigne » et « condamne ». L’oligarchie se dévoile en tant que telle : un groupe soudé qui défend les siens quand ils sont attaqués.
Ainsi, la direction d’Air France annonce qu’elle portera plainte « pour violences aggravées » ; Manuel Valls se dit « scandalisé » ; le MEDEF publie un communiqué dénonçant des violences « inacceptables et scandaleuses » ; Emmanuel Macron publie un tweet dénonçant les « irresponsables » qui ont mené ces « violences » et ajoute, sans rire, que « rien ne remplace le dialogue social » ; toute la journée, les médiacrates redoublent de condamnations qu’il m’est ici impossible de lister. Les médias, les riches et les politiques main dans la main pour défendre l’ordre établi : voici l’oligarchie.
Mais qui parle de la violence que représentent les 2 900 suppressions de postes annoncées[1] par la direction ? Qui dit qu’au moins 45 000 personnes se suicident chaque année à cause du chômage ? Qui dit que, si on se base sur ces chiffres, le chômage est une cause de suicide dans environ 20% des cas ? Qui dit que le taux de suicide augmente avec le chômage ?
Qui dira que la violence qui est faite aux salariés qui vont perdre leur emploi est bien plus violente que l’acte d’arracher une chemise à un nanti ? Qui racontera l’histoire de celles et ceux dont le chômage sera synonyme d’un divorce ? Qui racontera l’histoire de celles et ceux qui ne pourront pas rembourser leur crédit et perdront leur voiture ou leur maison ? Qui racontera l’histoire de celles et ceux qui ne pourront plus s’acheter de nouveaux vêtements sans se priver sur la nourriture ?

La violence que subit une personne mise au chômage n’est pas aussi cinématographique que la violence que subit l’homme propre sur lui dont on arrache la chemise. Elle n’est pas cinématographique, donc les médias ne la montreront pas et n’en parleront pas. Elle n’est pas visuelle donc pas visible, parce que le système médiatique fonctionne sur le mode du spectacle (et parce que sa pente naturelle est de défendre les intérêts de l’oligarchie, mais c’est une autre histoire).
Ce 5 octobre, la violence était, pour une fois, des deux côtés. C’est assez rare pour que l’oligarchie toute entière s’en « inquiète », « dénonce », « condamne », etc. Dès qu’on rend les coups, ils tremblent. C’est qu’ils ont perdu l’habitude.
Mais vous savez quoi ? À choisir entre la violence des sans chemises et celle des sans-culottes, je suis du côté des sans-culottes. C’est à dire du côté de celles et ceux qui subissent tous les jours la violence des puissants, mais dont on ne parle jamais.
[divider]
[1] Quand on est du côté de la direction, on a le droit d’« annoncer » sans dialogue social. C’est dans l’autre sens que c’est interdit de ne pas dialoguer. Mais le monologue antisocial est tout à fait admis quand on est un oligarque.
Bien dit !
Moi aussi je suis du côté des sans culotte !!!
très bien ton article……merci
Enfin une analyse qui prend en compte TOUS les visages de la violence, et surtout ceux dont on ne tient jamais compte. Etonnant, cette position n’est absolument pas relayée par la presse….
Très bonne compréhension de la souffrance des salariés. Je vous félicite et vous remercie.
Attention aux chiffres !
En France, il y a 10 500 suicide. Certes, c’est trop !
Mais, le chiffre de 46000 dont tu parles concerne une étude effectuée sur 63 pays, soit 230 000 suicides, dont 46 000 liés au chômage.
En conséquence, si l’on conserve la même proportion, en France, environ 2000 suicides auraient pour origine le chômage.
Ce qui reste extrêmement dommages.
En effet, mais je n’ai pas dit que c’était en France dans l’article. Justement, c’est pour ça que j’ai mis le lien.
J’ai déjà écrit à peu près la même chose sur internet. Si on appelle violence le fait d’arracher une chemise à quelqu’un , qu’en est-il de la violence cachée de licencier . Elle est beaucoup plus sournoise et beaucoup plus forte. L’argument de restructurer ne tient pas. Il y a déjà eu des restructurations a Air France sans succès apparemment . Donc on y va gaiment sans état d’âme. Tout cela sonne faux. Je suis du côté des salariés devant autant de mépris.
Les médias au service du pouvoir libéral montre la « violence » contre une chemise mais oublient la violence des 2900 suppressions de postes d’une entreprise bénéficiaire !
http://thalasrum.over-blog.com/2015/10/airfrance-une-chemise-pour-2900-licenciements-violence-drh-benefice-media.html?utm_source=_ob_email&utm_medium=_ob_notification&utm_campaign=_ob_pushmail
Je partage totalement cette analyse..
Merci de la matérialiser ainsi. Mes commentaires sur les différents forums sont un brin plus virulents, mais la vérité est là ! Et tant que les français croiront en ce système verrouillé et n’auront pas conscience d’appartenir a une « caste » inférieure que legitiment journaleux politiques people et autres prefets dépités senateurs ou privilégiés en tout genre (et ils sont un paquet)…… rien ne changera. Prions pour que les petites gens comme on dit prennent un jour conscience de l’urgence de la situation. Stop a la bienpensance… Relevons la tête !
Bonjour, je suis d’accord à 200% avec votre article et suis heureux de savoir qu’il y a quand même quelques uns ,comme ici, qui ne suivent pas comme des moutons ce que les merdias bien de gôche et les politicards droite et gauche confondus veulent nous faire gober !!!
Heureusement, il y en a quand même un qui n’a pas participé à ça et qui a dit tout haut ce que beaucoup de gens pensaient tout bas :
« Le patronat n’a pas besoin, lui, pour exercer une action violente, de gestes désordonnés et de paroles tumultueuses ! Quelques hommes se rassemblent, à huis clos, dans la sécurité, dans l’intimité d’un conseil d’administration, et à quelques-uns, sans violence, sans gestes désordonnés, sans éclats de voix, comme des diplomates causant autour du tapis vert, ils décident que le salaire raisonnable sera refusé aux ouvriers ; ils décident que les ouvriers qui continuent la lutte seront exclus, seront chassés, seront désignés par des marques imperceptibles, mais connues des autres patrons, à l’universelle vindicte patronale. […] Ainsi, tandis que l’acte de violence de l’ouvrier apparaît toujours, est toujours défini, toujours aisément frappé, la responsabilité profonde et meurtrière des grands patrons, des grands capitalistes, elle se dérobe, elle s’évanouit dans une sorte d’obscurité. »
Jean Jaurès, discours devant la Chambre des députés, séance du 19 juin 1906
Ping : Air France : Jean-Luc Mélenchon, du côté des salariés