Les samedi 25 et dimanche 26 novembre 2017 se tenait la séance de clôture de la troisième convention de la France insoumise. Cet événement politique a été l’occasion d’une nouvelle séance de bashing médiatique contre la France insoumise en général et Jean-Luc Mélenchon en particulier, sur lequel je reviendrai peut-être dans un prochain article. Pour l’heure je n’en donne qu’une image d’ensemble : celle qu’on obtient en faisant une recherche avec le mot « souffle » dans Google actualité. Je trouve que cette image suffit à montrer pour l’heure le décrochage entre une situation réelle (la démonstration de force qu’était la convention de la France insoumise) et un « storytelling » médiatique qui se fiche du réel pour lui préférer une histoire à raconter, au mépris ne serait-ce que de l’originalité. De là à dire que la presse s’essouffle…

souffle
Capture d’écran Google analytics

Pour aujourd’hui, je veux seulement revenir sur un sondage Odoxa, publié très opportunément le vendredi 24 novembre à 21h, dans le genre timing parfait pour essayer de pourrir la convention qui ouvrait le lendemain et donner à toutes les rédactions l’angle à suivre. Commençons par l’essentiel : plutôt que d’écouter ce qui allait se passer dans cette convention, les médias ont préféré inventer eux-mêmes une « actualité » à partir d’un sondage commandé par eux. Triste banalité d’un système médiatique dont le rôle n’est plus d’informer mais de vendre du papier et de la pub à clic, sans se poser aucune question sur l’utilité sociale (pourtant cruciale !) de l’activité qu’il réalise.

Des commanditaires spécialistes du Mélenchon-bashing

Je viens d’abord sur les commanditaires du sondage. Il s’agit de deux organes de presse qui ont régulièrement participé au Mélenchon-bashing de ces sept derniers mois : Le Figaro et France info. On ne peut donc pas s’attendre à ce qu’un sondage qu’ils commandent sur Jean-Luc Mélenchon pour créer une info sur lui soit orienté autrement que négativement ! Je rappelle ici que France info a été l’un des acteurs principaux du lancement d’une polémique malhonnête sur l’ALBA à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle. Je rappelle également qu’au moment où tous ses confrères titraient sur les « Paradise Papers », Le Figaro ne trouvait rien de mieux à faire que de titrer sur une prétendue « panne de stratégie politique » de Mélenchon. On a appris depuis grâce à l’émission Cash investigation que le groupe Dassault, propriétaire de ce journal, était directement mis en cause dans les « Paradise Papers » dans le cadre de son activité de vente de jets privés.

Le frère de Yannick Jadot est de la partie !

Autre point intéressant. Parmi les « analystes » du sondage se trouve « Dentsu Consulting », une boîte de conseil aux entreprises. Dans ce sondage, elle est censée faire l’analyse de l’activité numérique de Jean-Luc Mélenchon. Amusant quand on lit la citation en exergue du site de cette boîte : « Il faut plus de 20 ans pour construire une réputation et 5 minutes pour la détruire ». Serait-ce le but de ce sondage vis-à-vis de Mélenchon ? On n’ose l’imaginer. Mais cela vous amusera peut-être aussi d’apprendre que le président de cette entreprise est, si l’on en croit BFMTV, M. Thierry Jadot, frère de Yannick, le dirigeant EELV du même nom. Bref, une boîte qu’on n’a pas besoin de prier pour participer au Mélenchon-bashing médiatique.

Un échantillon ridicule et étrange

Venons-en au sondage lui-même. Et d’abord à la constitution de son échantillon. Il est d’abord très faible puisqu’il n’est composé que d’un petit millier de personnes. Mais il est aussi et surtout majoritairement hostile à Jean-Luc Mélenchon puisqu’il est composé, selon Odoxa, de 1009 Français avec 153 sympathisants de la gauche du PS, 92 du PS, 132 En Marche, 138 de la droite hors FN et 152 du FN. Total : 15,16% pour la gauche du PS, qu’on peut penser plus ou moins favorable à Jean-Luc Mélenchon (encore qu’il y ait un gros flou sur ce que cette catégorie recouvre !) et 50,9% pour le reste, qu’on peut penser défavorables à ce dernier. En dépit de cela, Jean-Luc Mélenchon parvient à rassembler sur son nom 36% d’opinions favorables, soit plus du tiers de l’échantillon.

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Capture d’écran du sondage Odoxa.

Mais l’angle sondagier et médiatique s’est concentré sur une chose : la baisse de ces opinions favorables. En effet, deux mois plus tôt, en septembre, Jean-Luc Mélenchon affichait selon le même institut (et les mêmes commanditaires) un taux d’opinions favorables de 42%. La baisse serait donc de six points. Si on entre dans le détail, on constate que ce taux est resté stable chez les sympathisants de la gauche du PS (82%) et qu’il a baissé chez les autres. Il passe ainsi de 26 à 19% chez les sympathisants En Marche (-7 points), de 36 à 30% chez les sympathisants FN (-6 points), de 12 à 10% chez les sympathisants de droite hors FN (-2 points) et surtout de 54 à 46% chez les sympathisants PS (-8 points) tandis que, dans le même temps, la part de sympathisants PS dans l’échantillon « représentatif » a fait un bon inexpliqué, passant de 73 en septembre à 92 en novembre (+19 personnes du PS) tandis que l’échantillon total diminuait de 11 personnes. C’est donc la baisse de sympathie la plus forte qui se trouve avoir la plus grande augmentation de son poids dans l’échantillon total puisque celui-ci passe de 7,16% à 9,12% (+2 points) sans explication.

Bien sûr, tout cela ne vaut rien. D’ailleurs, le tableau des marges d’erreur donné en début de sondage en fonction de la taille de l’échantillon ne descend même pas à la taille d’un échantillon de 100 personnes, tant la chose serait ridicule pour l’institut qui le publie. Il ne donne une marge d’erreur que pour 200 personnes évalué à 6,9 points pour un résultat compris entre 40 et 60%. En vérité, pour un échantillon de 100 personnes, on arrive autour de 8,5 points de marge d’erreur. Dit autrement, les 46% d’opinion favorables des 92 personnes du PS interrogées en novembre peuvent être en réalité comprises entre 38 et 54% si on les extrapole à l’ensemble de la population. À ce niveau-là, ce n’est plus d’une fourchette dont il s’agit : c’est d’un râteau !


Des questions biaisées et malhonnêtes

Continuons notre analyse, maintenant sur les questions posées. Elles sont savoureuses. Par exemple celle-ci, absolument neutre et objective : « Jean-Luc Mélenchon s’est fortement opposé aux ordonnances visant à réformer le code du travail en organisant notamment des manifestations et en prenant la parole dans les médias. Aujourd’hui, diriez-vous que son opposition a plutôt été… 1) … une réussite car cela lui a permis de renforcer son rôle d’opposant à la politique menée par le gouvernement, 2) … un échec car il n’est pas parvenu à faire reculer le gouvernement sur les ordonnances sur le code du travail ». Ben voyons. J’en propose une autre : « Jean-Luc Mélenchon est fortement opposé au nucléaire. Aujourd’hui diriez-vous que son action a été… 1) … une réussite, car maintenant on sait que c’est dangereux, 2) … un échec, car aucune centrale n’a fermé ces derniers mois ». Je préjuge sans peine des réponses qu’on obtiendrait.

Autre exemple de question orientée, qui fait en plus usage du mensonge : « Depuis la rentrée, certains membres de la France Insoumise (Danielle Simonet, Raquel Garrido, Alexis Corbière…) ont été concernés par des polémiques à propos notamment de logements HLM qu’ils occupent. Vous-même, diriez-vous plutôt que ces polémiques… 1) … sont ni plus ni moins choquantes de la part de la France insoumise que de n’importe quel autre parti, 2) … sont particulièrement choquantes de la part de la France Insoumise parce qu’elle dit défendre les classes populaires et dénonce les abus des autres partis ». Sous entendu : « tous les mêmes, tous pourris ». Et bien même en dépit d’une question aussi malhonnête et mensongère, il se trouve 40% des gens pour répondre le moins pire, c’est à dire pour donner la première option. L’option : « votre question est malhonnête » n’était malheureusement pas proposée.

Une «analyse» tout sauf neutre et objective

La cerise sur le gâteau nous est offerte par Gaël Sliman, président d’Odoxa, qui « analyse » les résultats d’une manière qui ne laisse aucun doute sur l’intention de nuire. D’abord le titre donné à l’étude : « Triste automne pour Jean-Luc Mélenchon ». C’est léger ! Sous-titre : « Mélenchon : la dégringolade ! ». Toujours léger ! S’ensuit une analyse pas du tout orientée qui parle de « spectaculaire effondrement », insiste sur le mot « agressif », puis déclare que Jean-Luc Mélenchon n’est « ni compétent, ni honnête, ni sympathique ». Arrive ensuite toute la finesse de l’analyse : d’où vient cet « effondrement » ? De son « échec » sur la loi travail (souvenez-vous de la question orientée de tout à l’heure !), mais aussi des « polémiques » qui ont « particulièrement choqué ». Puis Gaël Sliman se lâche complètement avec des mots, qui laissent bien voir dans quel camp se situe l’analyste : « Un mouvement politique ne peut impunément prôner le “dégagisme” et régulièrement faire écho au “tous pourris” et être lui-même concerné par des affaires qui heurtent la morale des Français, sinon la légalité ». Ben voyons.

Arrive le cœur de l’argumentaire du président d’Odoxa, là encore complètement orienté : « Et pourtant, au royaume des aveugles… malgré cette chute, Mélenchon est toujours celui que les Français jugent le meilleur opposant à Emmanuel Macron ». Vous avez bien lu : Gaël Sliman qualifie lui-même son échantillon de « royaume des aveugles » ! Que peut bien animer une telle hargne sinon un avis politique particulier qui se devine à la lecture d’une autre phrase de cette analyse : « Leur domination [à Mélenchon et Le Pen] est particulièrement cruelle voire honteuse pour le futur patron des Républicains, Laurent Wauquiez qui arrive nettement derrière eux n’étant crédité que de 24% des citations, alors que son parti est – objectivement – le principal parti d’opposition en France ». Voilà : monsieur Sliman sait mieux que les gens qu’il interroge ce qui est vrai et bon pour eux. Le vrai parti d’opposition, c’est Les Républicains, parce qu’ils demandent une politique encore plus libérale que la politique ultralibérale d’Emmanuel Macron. J’aimerais beaucoup savoir combien gagne monsieur Sliman en tant que président d’Odoxa et ce qu’il a voté à l’élection présidentielle.

Conclusion

Vous l’aurez compris, ce sondage ne vaut absolument rien d’un point de vue scientifique. Il n’est qu’un outil parmi d’autres du dispositif de bashing médiatique qui s’exerce sans discontinuer contre Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise depuis maintenant sept mois. Et on comprend à la lecture de « l’analyse » combien l’unique objectif de sa commande comme de sa publication par France info et Le Figaro répond à une logique politique. L’idée que Jean-Luc Mélenchon reste considéré comme le principal opposant à Emmanuel Macron en dépit d’une intense campagne médiatique contre lui semble tellement insupportable aux yeux ultrariches et de leurs affidés des médias et des instituts de sondage pour qu’ils soient prêts désormais à des bashings de moins en moins ficelés. Heureusement, les gens croient de moins en moins à ce que tout ce petit monde raconte. On se demande bien pourquoi…


13 réponses

  1. je suis scandalisé par ce Jlm et FI bashing. Ce soir, j’étais curieux de ce qu’allait bafouiller C’ Dans l’air ! affreux , recopie de votre décorticage . j’ai zappé , bon courage , résistance

  2. Bonjour,

    Où avez-vous trouvé la citation : « Leur domination [à Mélenchon et Le Pen] est particulièrement cruelle voire honteuse pour le futur patron des Républicains, Laurent Wauquiez qui arrive nettement derrière eux n’étant crédité que de 24% des citations, alors que son parti est – objectivement – le principal parti d’opposition en France » Je ne la trouve pas dans le rapport d’Odoxa.

    Merci !

  3. Salut ! Je me suis amusé à recalculer quelques chiffres et en dehors des questions orientées on peut également voir une volonté de manipuler les chiffres.

    Par exemple : « Echantillon de 1009 Français représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, parmi lesquelles : 245 sympathisants de gauche (153 gauche hors PS et 92 du PS), 132 sympathisants En Marche, 138 sympathisants de droite hors FN et 152 du FN. » Ça veut dire un total de 667 sympathisants.

    Donc 1009-667=342 personnes qui ne sont désignées par aucune étiquette. Je suppose qu’on peut dire « non » sympathisants » même si le sondage n’explique pas comment il fait pour déterminer qui est sympathisant de quoi.

    Bref, 342 « autres », soit 33.9% de l’échantillon soit un gros tiers.

    Hors dans la présentation des résultats on a soit :
    – Des statistiques sur l’ensemble.
    – Des statistiques détaillées pour chaque sous-groupe sauf « autres »
    – Soit les deux. (Ensemble, plus les détails pour tout le monde sauf autres)

    Alors quoi ? C’est pas intéressant d’avoir l’opinion de 33.9% de l’échantillon ? Ceux qui ne sont sympathisants d’aucun parti ?
    Alors je prends une question et je refais les calculs dans l’autre sens.

    « Avez-vous une très bonne, plutôt bonne, plutôt mauvaise ou très mauvaise opinion de Jean-Luc Mélenchon ? »
    Le sous-total positif de l’ensemble est de 36%
    Le sous-totaux positifs pour sympathisants de la gauche du PS, du PS, d’En Marche, de droite hors FN, et du FN sont respectivement : 82, 46, 19, 10 et 30%
    On refait les effectifs (c’est du produit en croix) on obtient un total de 206 positifs sur 667 « sympathisants de touts bords » soit seulement 30,1%

    Or 36% de 1009 ça fait 363 personnes. Donc sur les 342 personnes « non-sympathisantes » dont les résultats ne sont pas présentés, ça fait 157 (363-206). Et ça donne 45.9.%

    Tiens, parmi les gens qui ne sympathisent à aucun parti l’opinion générale envers Mélenchon serait plus élevée que parmi les « sympathisants » (terme qui n’est défini à aucun moment.) ? Voilà un résultat qui pourrait être intéressant, mais il ne va pas dans le sens de l’exposé donc on l’omet.

    Il faudrait refaire les calculs pour chaque question, mais ce sondage est une bonne grosse daube. Un PDF comme ça devrait valoir max 500€ tellement c’est bâclé. Je me demande combien ils touchent. En tout cas à deux en deux ou trois jours de travail c’est torché. C’est terrifiant de voir à quel point les médias se basent sur ce genre de trucs ensuite.

    Bref ils font sûrement ce genre d’arrangement avec la réalité avec chacun de leurs sondages et pas juste sur Mélenchon, mais c’est un élément de plus à charge de cette bande d’amateurs, même si ça reste légal.

  4. Aprés c dans l’air a 18h ,le fourbe pujadas sur lci tf1 a 19h ,c’est félicité euh a fait commenté le sondage hier soir aussi, france info a pris la relève a 21h30 , en guess star d’orcival de valeurs actuelles…. tous en coeur contre la FI , cela commence a faire beaucoup non ?? ps: j’aime de moins en moins les grands sourires et clin d’oeil de corbière a tous ses journalistes , qui crachent sur la FI , c ‘est le seul député qui agit de la sorte.

    1. « j’aime de moins en moins les grands sourires et clin d’oeil de corbière a tous ses journalistes , qui crachent sur la FI , c ‘est le seul député qui agit de la sorte. »
      J’ai remarqué ça aussi, j’imagine que c’est une stratégie qu’il tente, je ne sais pas si elle peut être gagnante.
      Ce qui est sûr c’est qu’on ne peut pas chercher l’affrontement direct avec les journalistes ni trop les dénoncer dans leur fausse impartialité, ou alors ils nous feront passer pour des hargneux et des conspirationnistes. Avec eux on marche sur des oeufs.

    1. Bon ben suivant l’article de libé, c’est « circulez il n’y a rien à voir ». On n’y aura pas cru longtemps.

  5. Bonjour. Oui, j’avais également décortiqué ce sondage , et mis le 25/11 sur le forum Sarkostique des éléments très proches des vôtres. J’insistais cependant sur le fait que, non seulement le sous-panel des 66 % de sondés affichant une sympathie politique était modifié dans sa répartition entre le « sondage » de septembre et celui de novembre, mais aussi et surtout que la question « qui est le meilleur opposant à Macron ? » présentait 3 choix JLM, Wauquiez, MLP en septembre, mais 4 choix en novembre, Hamon étant rajouté à la liste….. G. Sliman s’en « expliquait » dans une ligne d’écriture plus laborieuse encore qu’à son habitude, mais je reste persuadée quant à moi qu’il espérait avec cette manip voir Wauquiez, second en septembre, ravir en novembre à JLM sa 1ère place d’opposant….. Raté sur tout le ligne, JLM reste en novembre en tête, et MLP ravit sa 2ème place à Wauquiez…! A méditer, finalement, je trouve…

  6. Bonjour. Je vois que dans son dernier post et bien logiquement JLM commente en outre que le sondage Odoxa publié le 24/11 en est suivi d’un autre de la même officine, « Baromètre politique » publié le 28/11, dans lequel il note des résultats contradictoires d’avec la première (j’ajoute, sur les points non absolument comparables, puisqu’il s’agit dans celui du 28/11 de son « placement » en haute position de sympathie/connaissance parmi les noms d’une très longue liste de personnalités politiques tous bords, et non uniquement de chefs de partis. Je note comme preuve de l' »intentionnalité de dates de publication » de Gaël Sliman, le fait que ces deux « sondages » sont issus d’une seule et même enquête en ligne, réalisée les 22 et 23 novembre avec 1 009 Français, dont 245 sympathisants de gauche (les 153 PS + 92 gauche du PS des critères du 24/11), 132 LREM, 138 droite et 152 FN. Les réponses publiées les 24 ET 28/11 ont donc été générées par des questions posées dans une unique démarche les 22 et 23/11. Je m’inscris par ailleurs en faux quant aux tentatives de « justification » de Libération des résultats du 24/11, Odoxa à sa création a proclamé ne pas avoir les moyens de constituer des « panels-maison », mais qu’ils soient maison ou achetés à un fournisseur de panels ceux-ci peuvent parfaitement être filtrés selon la commande de l’acheteur final.

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