Je viens de lire l’appel à un « big bang » de gauche lancé par Clémentine Autain et quelques autres. Je ne l’avais pas fait avant par manque de temps et d’envie pour un texte dont je devinais qu’il serait la énième édition des appels du genre « chantiers de l’espoir », « rallumer les étoiles » et autres «faire bouger les pétards mouillés » connus dans le passés. Je n’ai pas été déçu : c’est exactement ce dont il s’agit.

Je dois dire que j’ai dû me forcer un peu pour lire en entier tant j’ai du mal à supporter ce style amphigourique consistant à mettre n’importe quel adjectif derrière n’importe quel mot pour se donner des airs de philosophe. Genre (c’est vraiment dans le texte) : « pluralisme authentique », « cohérences partagées » ou « proposition politique propulsive » (la fameuse PPP, à ne pas confondre avec les partenariats publics-privés, qui sont encore autre chose, mais qui existent sous des gouvernement de droite et de gauche).

Passons. J’ai lu, donc, et j’ai essayé de comprendre. Mais j’ai vraiment du mal. Je comprends qu’on nous dit qu’il faudrait un projet de société fédérateur pour porter des idées comme « une nouvelle République », « le partage des richesses » et la rupture « avec le productivisme et le consumérisme qui nous mènent au chaos climatique » . Je n’ose suggérer que c’est ce que propose le programme « L’Avenir en commun», soutenu par plus de 7 millions de personnes à l’élection présidentielle. Mais pour le savoir, encore faut-il l’avoir lu. Ça éviterait d’en découvrir le contenu avec des questions de Jean-Michel Aphatie à des moments inopportuns.




Bon. Donc il faut un programme du genre de « L’Avenir en commun ». Je suis d’accord. D’ailleurs j’ai voté pour ça à l’élection présidentielle. Mais il faut une stratégie aussi. Le « Big Bang » nous en propose une. Mais comme aux origines du monde, c’est un sacré bordel. J’ai compris de ce texte qu’il fallait essayer de rassembler la « gauche » comprise comme les «  insoumis, communistes, anticapitalistes, socialistes et écologistes décidés à rompre avec le néolibéralisme », tout ça pour se fixer « l’objectif d’être majoritaire ». Il reste à certains à faire des mathématiques quand le total des quatre premières listes clairement identifiées de « droite » (je souligne « clairement identifiées », parce qu’il y en a qui sont libérales mais avec des étiquettes « de gauche ») arrivées en tête à l’élection dépassent déjà les 60% (des votants !) à elles seules.

Mais attention, on nous dit aussi (« et en même temps ») que ce n’est pas DU TOUT de ça dont il s’agit. Il est écrit que les « micro-accords de sommet et de circonstances » ne sont pas la solution, pas plus « que l’appel à une improbable “union de la gauche” à l’ancienne ». Il faut donc faire autre chose, comme fédérer les luttes (on n’est pas loin de « fédérer le peuple », mais le mot « peuple » est rigoureusement absent du texte). Et il est notamment fait mention des gilets jaunes, ce qui est un bon changement de pied pour Clémentine Autain qui écrivait, le 4 novembre 2018 sur Facebook : « Je ne serai pas le 17 dans les blocages parce que je ne me vois pas défiler à l’appel de Minute et avec Marine Le Pen ». On ne peut que saluer tant de clairvoyance politique.

Au total, donc, le « big bang » consiste à faire « L’Avenir en commun » avec une stratégie à la « et en même temps » peu claire qui mêle des éléments incompatibles. On verra ce que ça donne. Je doute que quoi que ce soit de ce genre puisse produire autre chose qu’un maxi flop, comme tous les appels du même type qui l’ont précédé. J’ajoute enfin que je trouve dommage que ceux qui demandent des discussions dans le « respect » et la « tolérance » ne s’appliquent pas la consigne, comme le rédacteur en chef de « Regards », la revue de Clémentine Autain, qui n’a pas hésité à traiter Jean-Luc Mélenchon de « matrice de rouge brun ». J’ose espérer que les près de 10 000 tweets qui ont émergé spontanément mercredi dernier pour soutenir Jean-Luc Mélenchon feront un peu réfléchir les gens comme lui qui ont l’insulte facile.




Pour ma part, je me repère sur l’élection présidentielle de 2017 où la participation au vote de près de 80% (donc d’une large part des catégories populaires) me semble pouvoir donner des enseignements sérieux pour ceux qui veulent se battre du côté du peuple contre la petite caste politique, économique et médiatique qui verrouille notre société. Dans cette élection, nous avions un candidat et un programme qui nous ont porté à près de 20% des suffrages et 7 millions de voix. Nous y avons parlé de la 6e République, du partage des richesses, de la planification écologique et de la paix. Mais aussi du rôle de la France en Europe et dans le monde. Nous avons mis tout ça dans un programme clair et cohérent qui s’appelle « L’Avenir en commun ». Nous y avons adopté une stratégie de conflictualité avec le pouvoir « de gauche » en place qui, quoique « de gauche » a fait la loi El Khomri par 49.3 et essayé, heureusement sans succès, de faire la déchéance de nationalité. Bref : nous avons appliqué dans l’élection présidentielle de 2017 la stratégie qui correspondait au programme de rupture – de « Révolution citoyenne » – qu’est « L’Avenir en commun ». Avec le succès qu’on sait : la marche du deuxième tour et la prise du pouvoir étaient à portée de main. Il me semble que c’est de cela dont il faut s’inspirer pour ceux qui, comme moi, se fixent l’objectif « d’être majoritaire ». C’était qui, déjà, notre candidat ?
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4 réponses

  1. Si seulement nous avions notre propre tv, ça là que les citoyens pourrait trouver tous les débats sur tous les sujets qui ne sont pas vus à la tv. Mais surtout, surtout, pour dire notre propre version des faits.

    Et Clémentine Autain, plutôt que d’aller se répandre sur des chaines du capital, irait débattre avec d’autres Insoumis, les candidats déçus, les députés, les intellectuels, etc., sur nos propres ondes plutôt que sur celles du système que nous combattons. Ainsi, il n’y aurait personne pour nous empêcher de dire ceci, ni pour nous couper la parole, ni pour dévoyer nos propos, etc. Les citoyens auraient NOTRE VERSION et elle seule.

    Sans compter que ça nous aurait fait une pub incroyable de CanalFi !

    Franchement, je ne comprends pas vous n’y avez pas pensé, pour régler la crise soulevée pas Clémentine Autain et son Big Bang. Parce que remettre toute explication à l’assemblée représentative, alors que tout le monde ne peut pas y aller et que beaucoup seront encore laissés de côtés, avec leurs questions, leurs réclamations, c’est pas très professionnel, quoi, c’est n’importe quoi. Tout le monde n’a pas de véhicule, ni d’argent pour le train; il y a aussi des problèmes de garde des personnes isolées…C’est trop nul de NE proposer que cette assemblée pour tout régler.

    Un débat sur le sujet, sur la chaîne Canal Fi aurait vraiment permis de communiquer plus largement, à tous les publics, y compris ceux qui NE sont PAS Insoumis, notre version des faits. Macron est en train de tuer toute démocratie, sans aucun complexe. Et vous, vous continuez à l’attaquer comme si les règles n’avaient pas été dévoyées par lui; comme si les règles étaient encore équitables, justes, démocratiques et équilibrées; comme si la démocratie n’était déjà plus qu’un souvenir.
    Tout ce que nous avions c’était la démocratie représentative favorable aux riches. Mais nous les pauvres, on n’avait déjà pas assez de représentants, mais en plus, ça y est la loi est votée, on leur a coupé les moyens de s’exprimer…

    METTEZ EN AVANT NOTRE CHAÎNE CANAL FI ET INVITEZ Y DES DÉPUTÉS ET DES CANDIDATS DÉÇUS A Y DÉBATTRE!!! C’EST LA ET LA SEULEMENT, QU’ILS DOIVENT ACCEPTER DE DÉBATTRE?

  2. Ecoutez, je suis à fond derrière JL Mélenchon et e besoin de changement de notre société, je lui ai dit tenez bon mais aussi de réfléchir au fond à ce qui n’a pas marché et dans votre billet vous ne le faites pas. Rien que le titre est dans le ton de ce qui peut être reproché pourquoi maxi flop ?? Et même si c’était vrai faut il le dire !!! Je pense qu’il est effectivement assez indécent de s’attaquer à un homme déjà blessé, de profiter de l’adversité pour assommer de critiques alors que ma discipline est au contraire de faire corps. Ceci étant il faut aussi comprendre et lire les ressentis exprimés. Le JLM 2017, explicatif et faisant de l’éducation populaire est mieux que le JLM des perquisitions, on peut le dire?? Est il capable de mea culpa, d’évolution de comportement, de conduire des modifications attendues de toutes parts dans la FI, arrêtez avec le charabia incompréhensible de fédérer le peuple, pour ce peuple lui même. Lisez les commentaires sur Mediapart sur les articles décrivant la « crise » à la FI et vous serez édifié du malaise profond qu’il faut surmonter avec sagesse et hauteur, humilité, pas morgue et invective.(même si je n’ai aucune illusion sur Médiapart lui même)

    1. Lire Médiapart !… enfin Jean Louis, il faut vous essayer au news de BFMTV quand ils snipent Mélenchon, (qu’après vous aurez l’occasion d’excuser), surtout quand il dépasse les limites qu’un certain pouvoir ne respecte plus où pas d’ailleurs !

  3. Alors que je suis sensible aux arguments de Clémentine Autain, et lecteur déjà ancien de Regards, une revue ouverte, intelligente, plurielle, voilà que je rencontre ici une contre argumentation bien construite, réfléchie, loin des imbéciles anarhemes de Rachel Garrido, dont l’inculture politique est navrante. Merci, donc, je ne reprendrai pas point par point, mais je, crois très sincèrement que le risque de derive rouge brun est grave et sérieux.
    Autant je ne crois guère à des rapprochements possibles avec Glucksman et Jadot, même s’il est nécessaire de parler à des socialistes qui ont, en leur temps, résisté au libéralisme, autant le parti communiste me paraît un allié nécessaire, indispensable, inconditionnel, et le dialogue avec d’autres forces de gauche anti capitaliste tout à fait utile.
    Tenir un propos comme  » voilà qui nous sommes. Rejoignez-nous ! » ce n’est pas faire preuve d’ouverture, car je ne vois pas pourquoi des gens qui se sentiraient proches de nos idées devraient renoncer à leur identité, leur originalité.
    J’ai discuté récemment avec des amis proches de Besancenot. Ils ont beaucoup de sympathie pour FI et Jean Luc. « Alors, faites comme moi, sautez le pas ! » «  » les partis de gauche, non merci, on a déjà donné !  »
    On argumenté alors que ce n’est pas un parti conforme au schéma léniniste, mais que ce n’était pas pour autant un mouvement anarchiste, et avant même que j’aie le temps de sortir l’adjectif » gazeux », ils m’ont interrompu.
    OK ! Innovants, inventifs adaptés à une société qui a changé, plus au vingtième siècle, etc…
    Mais puisque FI se propose de passer à la sixième république, cherche à instaurer une démocratie véritable, montrez l’exemple, organisez votre mouvement nuageux en bâtissant une forme de fonctionnement transparent, des dispositifs de prise de décision clairs, soyez en interne un modèle respecté et attractif !
    Ils ont raison, non ?
    Et, j’ai beau chercher, je suis peut être passé à côté, mais personne, à FI n’a encore dit ça !
    Alors c’est l’evidence. Personne n’a raison tour seul, et surtout pas FI.
    L’ouverture, le dialogue avec les autres est indispensable. Il faut même àccepter une certaine porosité.
    À une autre occasion, je dirai ce qui me fait penser que le risque d’une dérive rouge brun existe,
    Amitiés insoumises
    Fernand Farioli

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